Le Temps du Feu par Fatah Mokrani

Le Temps du Feu – Huǒ Hòu 火候

Dans la voie du Qi Gong taoïste et de l’alchimie interne, rien n’est plus subtil ni plus essentiel que le Huǒ Hòule Temps du Feu.
Ce mot, emprunté à l’ancienne alchimie des fourneaux, ne désigne pas une température, mais un rythme de transformation.
Autrefois, on réglait la flamme pour faire fondre le cinabre et extraire l’or.
Aujourd’hui, le feu dont il s’agit brûle à l’intérieur du corps et du cœur : c’est le feu de l’intention, celui qui purifie, affine et éclaire.

Le Feu n’est pas une flamme matérielle.
C’est l’Esprit en mouvement, le Shén attentif, le qui se pose sans tension.
Quand l’esprit est trop fort, le feu devient brûlant ; quand il est distrait, la chaleur s’éteint.
Ainsi, le Huǒ Hòu est l’art de régler l’intention et la respiration pour que l’essence (Jīng), le souffle () et l’esprit (Shén) s’unissent dans le même tempo.
Ce rythme est la respiration de la vie elle-même.

Les anciens parlaient de deux feux :
le Feu martial, vif et pénétrant, qui active et rassemble, et le Feu civil, doux et constant, qui nourrit et préserve.
L’un fait naître l’élixir, l’autre le protège.
Si le feu monte trop fort, il dessèche ; s’il s’affaiblit trop tôt, il s’éteint.
Tout est question de mesure.
Le pratiquant apprend à sentir la justesse du feu, non pas dans les poumons ou le ventre, mais dans le silence du cœur.
C’est là que le souffle devient lumière.

Dans le travail intérieur, chaque phase demande un feu particulier.
Au début, il faut éveiller la vitalité, concentrer le souffle, condenser l’essence : c’est le moment du feu martial.
Puis vient le temps de l’incubation, où l’on veille sur l’élixir comme sur un enfant endormi : le feu devient civil, presque imperceptible.
Et enfin, quand l’énergie circule d’elle-même dans le petit et le grand cycle céleste, le feu se régule seul, suivant les marées invisibles du ciel intérieur.

Rien n’est plus difficile que de savoir quand s’arrêter.
L’art du Huǒ Hòu réside dans cette retenue : savoir éteindre la flamme juste avant qu’elle ne brûle.
Les textes disent : « On transmet la médecine, mais non le feu. »
Le feu ne se dit pas, il se découvre dans le corps, dans la respiration, dans la transparence de l’esprit.
C’est une écoute absolue du vivant, une communion avec le rythme cosmique.

Celui qui ne règle pas son feu s’expose au désordre.
Quand la flamme devient folle, le feu s’échappe (zǒu huǒ).
On voit alors émerger la confusion, les tremblements, les courses d’énergie.
Le remède est toujours le même : adoucir, rafraîchir, nourrir le Yin, jusqu’à ce que la clarté revienne.
Mais celui qui connaît la mesure, qui sait alterner le feu martial et le feu civil, avance avec paix.
Le feu l’accompagne, mais ne le domine plus.

Le Huǒ Hòu est bien plus qu’une technique : c’est la respiration du Ciel dans le corps humain.
Celui qui le comprend devient comme un forgeron céleste.
Il n’impose pas la chaleur, il l’écoute.
Il sait que la lumière naît de la juste température, que l’or véritable ne supporte ni précipitation ni froideur.
Dans cette précision silencieuse se cache le secret de l’immortalité : accorder le Feu du Cœur à celui du Ciel.

Bon Qi !
Fatah 🐉

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